Quel conseil d’administration pour répondre aux défis actuels? 3 questions à Tracy Long

06/09/2023

Tracy Long CBE est une entrepreneuse. Elle a participé à la fondation d’Avalon Productions et de Classic FM. Elle est aujourd’hui membre du conseil d’administration de Carnegie Hall et de Windsor Leadership. Elle a siégé au conseil d’administration du DCMS (Department of Culture, Media and Sport), de BSkyB Joint Ventures, de Botts & Co. Private Equity, Central European Media Enterprises, Van Tulleken Company, Nesta (National Endowment of Science, Technology & the Arts), Lowland Investment Company plc, London Symphony Orchestra, The King’s Consort, Noel Gay Organization, Royal Academy of Music et Royal Society of British Sculptors.

Boardroom Review, fondée en 2004 par Tracy, a mené plus de 350 évaluations sur l’efficacité des conseils d’administration pour des sociétés cotées en bourse, des entités privées et des institutions publiques au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Europe et en Asie. Tracy contribue à l’amélioration de l’efficacité et des performances des conseils d’administration, des comités et des administrateurs. Rencontre avec une experte en gouvernance d’entreprise.

 

Dans quelle mesure les conseils d’administration britanniques sont-ils un exemple de bonne gouvernance ?

La gouvernance des sociétés britanniques cotées en bourse est généralement reconnue comme étant l’avant-garde qui influence la gouvernance dans de nombreux pays pour un certain nombre de raisons.

La première d’entre elles est la répartition claire des rôles au sein du conseil d’administration, qui facilite l’équilibre entre le soutien, la remise en question constructive et limite la prédominance du pouvoir individuel. La liberté de parole des administrateurs indépendants et leur capacité à questionner les opinions des dirigeants ont toujours été au cœur de la gouvernance britannique. Dans ce cadre, le président, l’administrateur indépendant référent et les présidents des comités ont des rôles très précis et complémentaires, qui leur permettent de prendre en compte les attentes des différents types d’actionnaires et parties prenantes.

La deuxième spécificité concerne la taille des conseils d’administration (8 à 10), souvent beaucoup plus réduite que dans d’autres pays, ce qui facilite les débats et l’interaction entre les administrateurs.

Enfin, la durée des mandats des administrateurs indépendants dans les conseils d’administration britanniques est plus courte que la moyenne internationale (6 à 9 ans, contre une moyenne de plus de 10 ans en Europe continentale et aux États-Unis). Cela favorise le renouvellement des profils et contribue à maintenir l’acuité des points de vue et la mise à jour des compétences. Bien qu’il y ait des exceptions, les administrateurs ont tendance à contribuer de manière plus substantielle au cours des six premières années de leur mandat.

Les conseils d’administration britanniques sont souvent considérés comme un modèle, mais des améliorations sont possibles. Ainsi, les conseils d’administration européens ont toujours été plus enclins à consulter les différentes parties prenantes, y compris les représentants des employés. Nous avons également été plus lents à reconnaître les avantages d’un équilibre entre l’expertise technique et la diversité de pensée. Alors que certains pays comme la France, la Belgique et la Norvège ont choisi de légiférer pour améliorer la diversité des cadres dirigeants, je pense qu’au Royaume-Uni, nous devons nous engager davantage en faveur des profils d’administrateurs indépendants, du développement des talents et d’une meilleure planification des successions.

Nous avons également beaucoup à apprendre d’autres secteurs, tels que les fonds de Private Equity ou les entreprises familiales, notamment en ce qui concerne l’attention particulière qu’ils portent à l’exécution des décisions, des compétences requises, aux formes de dialogues avec les équipes de management ainsi qu’aux structures de rémunération.

 

Le point sur le Brexit : a-t-il eu un impact sur l’attrait des conseils d’administration britanniques pour les administrateurs internationaux ?

Le Brexit n’a pas nécessairement eu d’impact sur la capacité des conseils d’administration britanniques à attirer des administrateurs indépendants de qualité ; la réputation des conseils d’administration britanniques et la stabilité relative de l’indice FTSE restent un attrait majeur.

Pour les dirigeants, cependant, l’écart frappant entre les structures de rémunération au Royaume-Uni et aux États-Unis reste un problème.

 

À l’échelle mondiale, quels sont les principaux défis auxquels sont confrontés aujourd’hui les conseils d’administration ?

Nous assistons progressivement à une harmonisation de la bonne gouvernance dans le monde. Partout, les administrateurs consacrent plus de temps à la stratégie et la mission de l’entreprise, à la gestion des risques, à la performance, au développement du leadership et à la planification des successions. On observe également un engagement croissant en faveur d’un dialogue avec un plus grand nombre de parties prenantes et d’une réflexion critique sur les performances du conseil d’administration, la qualité de la dynamique des relations en son sein.

Cependant, les administrateurs sont confrontés à des risques de plus en plus complexes dont l’appréhension nécessite du temps : stratégie à long terme dans un monde en mutation rapide, cybersécurité et protection des données, surveillance réglementaire, sujets ESG nombreux et variés… L’approche du conseil d’administration vis-à-vis des risques a été influencée par certains secteurs et modèles, par exemple l’adoption des trois lignes de défense tirées des services financiers et les leçons tirées de l’exploitation des ressources naturelles.

Dans le contexte de conseils d’administration de plus en plus divers et multigénérationnels, les niveaux de maturité et d’expérience des membres varieront et le consensus sur la manière d’aborder et de préparer l’avenir pourrait être plus difficile à trouver.

Ces défis exigent un leadership collectif, un sens partagé des objectifs et des missions et la reconnaissance du fait qu’il n’y aura jamais assez de temps !

 

Bio : https://boardroomreview.com/home